le 24 septembre 2018

 

A la suite de la diffusion ce 24 septembre 2018 par Quotidien d’un reportage confirmant l’opacité de fonctionnement des conseils de famille des pupilles de la nation, l’ADFH rappelle qu’elle a porté plainte contre le président du Conseil de famille de Meurthe-et-Moselle, M. Jean-Marie Muller,  pour discrimination fondée sur l’orientation sexuelle en raison de ses déclarations homophobes : « tant qu’on aura des couples jeunes, stables, avec un père et une mère, on les privilégie ».(Cf. article France 3[1])

 

Alerté par nos soins, le Préfet[2]de Meurthe-et-Moselle a considéré que cette déclaration avait été faite par l’intéressé en sa qualité de président de l’association FNADEPAPE et non en celle de président du conseil de famille de Meurthe-et-Moselle. Cette réponse ne saurait être admise, puisqu’elle semble justifier qu’un membre d’un conseil de famille, qui a exprimé publiquement des positions homophobes, puisse continuer, comme si de rien n’était, à siéger au sein des instances en charge de l’apparentement des pupilles de la nation et à favoriser alors les couples hétérosexuels au détriment des couples homosexuels ou encore des personnes célibataires.

 

Rappelons que tous les candidats adoptants dont les dossiers sont traités par les conseils de famille sont déjà titulaires d’un agrément délivré par le département, après enquête menée par l’ASE. Ils sont déjà des personnes reconnues comme parfaitement capables de recueillir et d’élever un enfant. Cette capacité ne saurait leur, par la suite dénier, par certains membres des conseils de famille en raison de leurs seules convictions personnelles.

 

Quotidien a produit des extraits du livre « La plus grande famille de France » dont la diffusion aurait été suspendue et où M. Muller, président du conseil de famille de Meurthe-et-Moselle, répond sans ambigüité à une interview :

Question: « La loi sur le mariage pour tous, adoptée en 2013, donne la possibilité aux couples homosexuels d’adopter. Comment accueillez-vous cette nouvelle donne, au sein des conseils de famille ? »

Réponse de M. Muller: « A chaque fois que nous en avons le choix, nous privilégions des couples formés d’un homme et d’une femme. Car les pupilles susceptibles d’être adoptés présentent déjà une histoire compliquée et douloureuse <…> Nous ne jugeons pas opportun d’exposer ces enfants à une éventuelle stigmatisation supplémentaire. Nous sommes aussi convaincus que chaque individu a besoin pour se construire des références parentales masculines et féminines, complémentaires. »

Extraits originaux du livre disponibles sous ce lien[3].

C’est ainsi sans détour que M. Muller confirme qu’il applique et fait appliquer des principes discriminants fondés sur l’orientation sexuelle ou conjugale au sein des conseils de famille pour l’apparentement des pupilles de la nation.

D’ailleurs, à ce jour, en Meurthe-et-Moselle, aucun couple homosexuel n’a pu adopter  depuis 2013, date de la loi ouvrant l’adoption aux couples homosexuels, et ce, alors même que certains étaient candidats dans ce département. Leur dossier a été repoussé par le conseil de famille. On sait maintenant pourquoi.

Combien de « M. Muller » siègent-ils aujourd’hui dans les conseils de famille de France ? Combien de fois les dossiers de couples homosexuels ont-ils été écartés pour le seul motif d’une homophobie qui avance masquée ?

Aux convictions personnelles portées par celles et ceux qui décident des conditions de vie future d’enfants pupilles de la nation doivent être opposés les principes de l’intérêt supérieur de ces enfants à être adoptés par des personnes bénéficiant d’un agrément et de non-discrimination dans l’apparentement. Lors de l’université d’été de lamanifpourtous des 22-23 septembre 2018 à Etiolles (91), le président de la Confédération Nationale des Associations Familiales Catholiques (CNAFC) a désigné publiquement les homosexuel-le-s par le terme PD : « le problème c’est pas que les PD »[4]affirme-t-il au sujet de la PMA. Or la CNAFC dispose de nombreux représentants au sein des conseils de famille départementaux qui prennent part aux avis recommandant de confier tel enfant à tel(s) parent(s). Parlant de « rupture de civilisation », la CNAFC a violemment pris position contre la loi ouvrant le mariage et l’adoption aux couples homosexuels[5]. Dans ces conditions, Il n’est pas acceptable que les représentants de la CNAFC siègent dans les conseils de famille départementaux. Il n’est pas plus acceptable que ces représentants siègent au sein des institutions suivantes : Haut Conseil de la Famille de l’Enfance et de l’Âge[6], Conseil Économique Social et Environnemental, Caisse Nationale Vieillesse, Caisse Nationale d’Allocations Familiales, Institut National de la Consommation, Conseil Supérieur d’information Sexuelle, puisqu’il est démontré que la ligne directrice de cette confédération d’associations familiales catholiques dicte l’exclusion des homosexuel-le-s de la parentalité.

 

Mi-septembre, l’ADFH a rencontré la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, pour aborder, notamment, ce dossier. L’ADFH lui a déjà fait part de ses préoccupations et lui a soumis les demandes suivantes :

- la réalisation d’un audit et l’engagement d’une réflexion aux fins que l’apparentement des pupilles de la nation au sein des conseils de famille soit exempt de toute discrimination. L’ADFH recommande à cet égard un traitement chronologique des dossiers.

- au nom du principe de laïcité applicable dans les instances républicaines, la suppression des représentants d’associations cultuelles au sein des conseils de famille et des institutions républicaines.

- la publication des associations représentées au sein des conseils de famille départementaux ;

- la démission de M. Muller comme membre du Conseil de Famille de Meurthe-et-Moselle et comme membre du Conseil National de la Protection de l'Enfance (CNPE)

- la nomination au sein du CNPE de représentants associatifs de familles monoparentales et homoparentales. Alors que l’adoption est ouverte aux célibataires et aux couples homosexuels, aucun d’entre eux n’est à ce jour représenté au sein de ce conseil.

 

L’ADFH encourage les ministres Agnès Buzyn et Nicolle Belloubet, ainsi que les responsables politiques et élus, à s’emparer de ce dossier et à œuvrer pour l’application du principe de non-discrimination au sein des conseils de famille de France.

 

[1]https://france3-regions.francetvinfo.fr/grand-est/meurthe-et-moselle/nancy/nancy-association-familles-homoparentales-porte-plainte-discrimination-1498691.html

[2]https://adfh.net/wp-content/uploads/2018/09/repprefetmeurtheetmoselle13052018.pdf

[3]https://adfh.net/wp-content/uploads/2018/09/ITW.pdf

[4]https://twitter.com/Qofficiel/status/1044283941811900416

[5]http://www.afc-france.org/societe/actions-et-outils/le-mariage-en-debat?start=33

[6]http://www.hcfea.fr/IMG/pdf/Liste_membre_Formation_Famille_v14mai18.pdf