Description du projet

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  1. Quelle est la question posée à la Cour de Cassation ?

Les enfants nés ou suspectés d’être nés par Gestation Pour Autrui (GPA) d’un parent français au moins dans les pays où cette pratique est légalisée peuvent-ils obtenir la reconnaissance de leur état civil étranger dans les registres de l’Etat civil français (transcription), comme tous les enfants nés à l’étranger de parents français ?. Les deux dossiers présentés concernent 2 familles de parents français où les enfants sont nés en Russie par GPA.

 

  1. Quels sont les derniers arrêts en la matière de la Cour de Cassation avant cette audience ?

Dans trois arrêts du 6 avril 2011, la Cour a estimé que ne pouvait être désignée comme mère, la femme qui n’accouchait pas de ses enfants.

Dans deux arrêts du 13 septembre 2013, la Cour a estimé que la transcription sur les registres de l’état civil français ne pouvait être ordonnée « lorsque la naissance est l’aboutissement, en fraude à la loi française, d’un processus d’ensemble comportant une convention de gestation pour le compte d’autrui ».

 

  1. Pourquoi cette audience est-elle différente des précédentes ?

Pour la première fois, la Cour de Cassation va pouvoir s’emparer des jugements de la Cour Européenne des Droits de l’Homme (CEDH) du 26 juin 2014 qui ont établi que refuser la reconnaissance d’une filiation déjà établie pour un enfant né par GPA à l’étranger était contraire à l’article 8 de la Convention Européenne des Droits de l’Homme. L’intérêt supérieur de l’enfant doit primer sur toute autre considération lorsqu’il s’agit d’appliquer les lois visant à sa protection. Les 47 pays, dont la France,  membres du Conseil de l’Europe doivent appliquer cette décision et reconnaître l’établissement de la filiation de ces enfants dans leur droit national (L’Espagne a été le premier pays à appliquer cette décision dès juillet 2014). La France fait l’objet d’une procédure de suivi soutenue de la part du service de l’exécution des arrêts de la CEDH car elle n’a pour l’instant pas réformé sa position et refuse toujours de transcrire les états civils de ces enfants, en contravention avec ces arrêts. La Cour de Cassation a donc la possibilité de répéter ces jugements de la CEDH, comme l’ont fait récemment le TGI de Nantes et la Cour d’Appel de Rennes dans d’autres dossiers, mais aussi le Conseil d’Etat lorsqu’il a validé l’application de la circulaire Taubira (cf supra 9.)

 

  1. La Cour de cassation va-t-elle se prononcer sur la légalisation de la GPA en France ?

Non. La Cour de cassation va se prononcer sur la reconnaissance des états civils étrangers d’enfants existants. La GPA n’est pas interdite aux français lorsqu’elle est pratiquée en dehors de son territoire. Les conventions de GPA ne sont pas reconnues en France selon l’article 16-7 du Code Civil. L’entremise, le fait de provoquer une GPA sur le sol français  sont réprimandés par l’article 227-12 du Code Pénal.

 

  1. La transcription va-t-elle déclencher une légalisation de la GPA de facto et encourager les français à y recourir à l’étranger ?

Non. Les français sont déjà le premier peuple européen à y recourir aux USA et au Canada. Par ailleurs, les agences américaines ou canadiennes n’ont pas constaté d’augmentation particulières de GPA de parents vivant dans les pays qui n’ont pas légalisé la GPA sur leur sol mais qui reconnaissent dorénavant dans leur droit les états civils de ces enfants (Allemagne, Espagne, …).

 

  1. Quelles sont les conséquences d’une transcription ?

Un enfant qui bénéficie d’une transcription peut être inscrit sur le livret de famille de ses parents. Son identité est reconnue par la France. La transcription permet de reconnaître dans le droit français l’existence d’une filiation incontestable et opposable aux tiers (administrations, notaire, scolarité, …). Tous les enfants français nés à l’étranger de parents français peuvent obtenir la transcription de leur état civil dans le droit français, sauf les enfants nés ou suspectés d’être nés par GPA. Il s’agit donc d’une discrimination basée sur le mode d’une conception pourtant réalisée dans un pays où elle est légale. En dépit de la loi mariage/adoption pour tous, aucune adoption intraconjugale n’a pu être prononcée concernant les enfants nés par GPA. Si l’enfant conçu à l’étranger par PMA par sa mère lesbienne peut être aujourd’hui adopté par l’épouse de la mère légale (Cf avis de la Cour de Cassation), aucun enfant conçu par GPA ne peut être adopté par l’époux du père légal. Dans le cas des familles hétérosexuelles, la Cour de Cassation a déjà refusé en 1991 que l’adoption d’un enfant conçu par GPA puisse être adopté par sa mère d’intention.

 

  1. Que propose le Procureur général de la Cour de Cassation ?

Par voie de Communiqué de Presse, il a indiqué qu’il recommanderait à la Cour de reconnaitre uniquement la filiation du parent biologique si elle est judiciairement prouvée. Le Procureur général veut utiliser ces dossiers pour briser la généalogie de l’enfant déjà établie légalement sur son certificat de naissance étranger en supprimant le parent non biologique (dans un couple hétérosexuel : la femme qui n’utilise pas ses ovocytes ; dans un couple homosexuel : le second père qui n’a pas donné son sperme) lorsque ces cas se présenteront. Seul, le parent biologique, sous réserve qu’il se soumette à une prise de sang ou un test ADN avec son enfant viendrait valider sa filiation. Rappelons qu’en France, la PMA autorisée pour les seuls couples hétérosexuels établit une filiation indivisible. Que le couple hétérosexuel recoure à un donneur de sperme, à une donneuse d’ovocyte ou à un don d’embryon, la filiation est simultanément établie à l’égard des deux parents, qu’ils soient biologiques ou non. Enfin, en 2005, la mise à égalité devant la loi de l’enfant adultérin et de l’enfant légitime a été l’ultime étape où l’on a cessé de reprocher à un enfant les circonstances de sa naissance.

 

  1. Tous ces enfants ont-ils déjà un passeport du pays où ils sont nés ?

Non. Les enfants nés dans les pays où le droit du sol n’existe pas disposent uniquement d’un certificat de naissance mais pas de document d’identité ou de voyage. Le passeport ou la carte d’identité française sont alors les seuls documents d’identification de l’enfant avec sa photo. Ces documents lui permettent de voyager librement, comme chaque citoyen français. La transcription permet l’obtention du passeport et de la carte d’identité nationale. Certaines préfectures exigent aujourd’hui la transcription pour délivrer passeport et carte nationale d’identité. Un passeport ou une carte d'identité n'est pas un document qui établit la filiation d'un enfant, même s'il porte le même nom de famille que ses parents. Seul le livret de famille permet d'établir la filiation, livret pour l'instant refusé aux enfants nés par GPA.

 

  1. La Circulaire Taubira, validée par le Conseil d’Etat ne suffit-elle pas pour ces enfants ?

Non. La circulaire Taubira permet d’obtenir un Certificat de Nationalité Française où la nationalité française est accordée pour ces enfants dès lors qu’au moins un parent est français mais ce certificat n’établit pas la filiation, il n’établit pas plus la reconnaissance de l’autorité parentale. Le Conseil d’Etat, plus haute cour administrative française, a confirmé son application le 12 décembre 2014.

 

  1. Depuis l’entrée en vigueur le 26 septembre 2014 des arrêts CEDH, qu’est-ce qui a changé pour ces enfants ?

Rien. L’administration française n’a pas fait évoluer sa position et elle ne s’est pas conformée aux arrêts, refusant toujours de faire primer l’intérêt supérieur de ces enfants pour des raisons politiques : Le Premier-ministre a déclaré qu’il trouvait incohérent de désigner comme parents des personnes ayant eu recours à la GPA. Le préfet de Police de Paris s’est fait condamner plusieurs fois par le Tribunal Administratif de Paris parce qu’il refusait de délivrer des passeports à des enfants nés par GPA. Sur instructions frauduleuses et confidentielles du Quai d’Orsay, les consulats français refusent de transcrire les états civils de ces enfants alors qu’ils le font automatiquement pour tous les autres enfants de parents français. Nos consulats français se défaussent de ces dossiers en les renvoyant au Procureur de Nantes, en charge de l’administration des états civils des français nés à l’étranger. Plus particulièrement, Laurent Fichot, procureur adjoint de Nantes, refuse toute transcription et est de facto assigné et condamné devant le TGI de Nantes (cf infra 3.) et la Cour d’Appel de Rennes, prétextant n’avoir jamais reçu d’instructions de la chancellerie sur la procédure à suivre depuis les arrêts CEDH.