Description du projet

homoparentaliteParis, le 8/4/2014

 La loi Famille revient en force avec la publication sur le site internet de rue89.fr du rapport sur la filiation, les origines et la parentalité conduit par la sociologue et membre du Haut Conseil de la Famille, Irène Théry. Commandé par le gouvernement précédent, ce rapport est issu d’un Groupe de travail ayant réuni plus de 25 universitaires de renom incluant des juristes, sociologues, anthropologues, démographes, psychiatres, psychanalystes,  médecins spécialistes de l’Assistance Médicale à la Procréation (AMP), épidémiologiste, philosophes, historienne, politiste. Ce Groupe a auditionné de nombreux intervenants dont l’Association des Familles Homoparentales (ADFH).

 

L’ADFH salue le travail dense, pertinent et pragmatique du Groupe de travail présidé par Irène Théry et sa rapporteure Anne-Marie Leroyer. Les propositions envisagées s’appliquent dans un principe d’universalité, qu’on soit parent hétérosexuel ou homosexuel et centrent enfin l’enfant au cœur des préoccupations familiales.

 

Des propositions globalement en phase avec nos revendications :

 

Gestation Pour Autrui (GPA) : Les petits fantômes de la République enfin reconnus

 

  •      Bien que le Groupe soit « très divisé » sur l’encadrement de la GPA en France, il est à noter qu’il reconnaît l’existence d’ « une gestation revendiquée comme éthique,…, associée à la qualité d’une relation importante créée entre les parents d’intention et les gestatrices ainsi que leur famille». 
  •       A l’unanimité,le Groupe propose « une reconnaissance totale des situations valablement constituées, et ce parce qu’il est de l’intérêt de l’enfant de voir sa filiation établie à l’égard de ses deux parents d’intention. »  Rappelons que ces petits fantômes de la République (les enfants déjà nés à l’étranger par GPA et vivant en France) sont actuellement discriminés par l’Etat français en raison de leur mode de conception : La France refuse de leur reconnaître une filiation pourtant légalement établie dans leur pays de naissance. Dès lors la transcription de l’état civil des enfants nés à l’étranger par GPA doit être assurée. Toutefois, l’ADFH s’interroge sur le silence du Groupe concernant les enfants nés par GPA d’un seul parent d’intention.
  •       Concernant les GPA réalisées à l’étranger, le Groupe réclame à la France « un engagement ferme pour la création prochaine, sur le modèle de la Convention de la Haye sur l’adoption, d’un instrument international de lutte contre l’asservissement des femmes via l’organisation de gestations pour autrui contraires aux droits fondamentaux de la personne ».  Au lieu de s’écarteler continuellement entre une vision diabolisée ou angélisée de la GPA, la France doit au contraire s’inscrire posément dans une démarche respectant l’être humain. La réalisation d’une convention internationale définissant les contours de la GPA éthique permettrait non seulement aux français qui l’envisagent de s’engager sur une voie internationale responsable mais obligerait également les pays cosignataires à respecter un cahier des charges conséquent visant à protéger toutes les parties prenantes à ce processus ; chaque pays cosignataire restant libre de légaliser ou non la GPA sur son propre territoire.

 

Le recours à l’Assistance Médicale à la Procréation : Pour toutes les femmes ou presque…

  •    Le Groupe reconnait que « l’AMP avec tiers donneur n’est pas un traitement de l’infertilité mais un arrangement social nouveau». Cette distinction est fondamentale. En effet, l’AMP ne soigne pas l’infertilité mais permet de la contourner par l’introduction d’un tiers donneur. Dans un couple, on est infertile avant l’AMP et l’on reste infertile après la naissance d’un enfant né par AMP : « La médecine n’a pas rétabli une fonction défaillante ».  
  •    L’AMP est actuellement interdite aux couples de femmes lesbiennes et aux femmes célibataires. Le Groupe reconnaît que la situation actuelle est « hypocrite » car « les lesbiennes se rendent en nombre dans les pays voisins où le recours à l’AMP leur est autorisé ». Afin de supprimer la discrimination entre les couples hétérosexuels et homosexuels, le Groupe propose d’ « ouvrir l’accès à l’assistance médicale avec tiers donneur aux couples de femmes, dans les mêmes conditions que pour les couples de sexe différent ». L’ADFH salue cette proposition mais note que le Groupe ne supprime pas toute l’hypocrisie ambiante : les femmes célibataires sont écartées de la proposition et continueraient donc à se rendre à l’étranger pour recourir à l’AMP ou pourraient se mettre en danger en pratiquant des inséminations artisanales sans aucun contrôle médical.  

 

 Accès aux origines ? Oui mais restrictif

  • ·      Le Groupe affirme « unanimement que le législateur a le devoir de se saisir sans tarder de la question de l’accès aux origines personnelles des personnes nées de don » et « qu’en aucun cas, l’accès aux origines personnelles ne saurait être confondu avec l’établissement d’une filiation ». Dès lors, il distingue parfaitement l’établissement d’une filiation sociale d’une part, et la conception biologique d’autre part. Rappelons qu’actuellement le recours à l’AMP avec tiers donneur ou l’adoption plénière occultent ces deux dimensions puisque l’enfant est réputé né respectivement d’un ou de deux parents non biologiques.
  • ·      Le Groupe souhaite « Garantir au donneur son anonymat jusqu’à la majorité de l’enfant né du don, seul autorisé à en demander la levée» tout en permettant à l’enfant dans sa minorité d’accéder à la transmission de renseignements non identifiants éventuellement laissés par le donneur biologique. L’ADFH s’interroge sur la nécessité de construire une barrière virtuelle aux 18 ans de l’enfant et plaide pour la diffusion sans condition d’âge des informations nominatives du donneur afin que l’enfant puisse s’ancrer et se construire dès son jeune âge dans une réalité qui lui appartient : sa propre conception. Par ailleurs cette proposition créerait une rupture d’égalité entre les enfants nés par AMP avec tiers donneur : ceux qui pourraient avoir des renseignements non identifiants pendant leur minorité parce qu’un donneur a bien voulu en laisser d’une part, et ceux qui ne pourraient pas en avoir parce que le donneur n’a pas souhaité enregistrer ces renseignements lors du don d’autre part. Dès lors, ces enfants ne naitraient plus « libres et égaux en droits », contrairement à l’Art 1 de la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen de 1789.

 

Etablissement de la filiation : 3 modalités possibles

  •    L’engendrement par procréation charnelle. C’est par exemple le cas des familles homoparentales ayant eu un enfant dans un contexte hétérosexuel antérieur. La filiation est établie à l’égard du père et de la mère. Le nouveau conjoint homosexuel peut obtenir l’adoption simple de l’enfant mineur, avec l’accord des deux parents légaux. En cas de recomposition familiale, chaque parent légal peut obtenir une adoption simple de l’enfant par son nouveau conjoint.
  •     L’adoption. Actuellement réservée aux seuls couples mariés et aux célibataires, le Groupe souhaite ouvrir l’adoption aux couples pacsés et aux concubins. Le Groupe souhaite également l’ouvrir l’adoption de l’enfant du conjoint par le concubin ou le partenaire d’un PACS. Rappelons qu’en l’état, les homoparents doivent préalablement se marier pour permettre l’adoption intraconjugale de l’enfant du conjoint. Cette proposition attendue ne subordonne plus la fonction parentale au statut marital.
  •     L’engendrement avec tiers donneur. Pour les enfants nés par AMP avec tiers donneur, l’institution d’une « déclaration commune anticipée de filiation » (DCAF) permettrait d’établir la filiation à la naissance de l’enfant. Cette DCAF scelle la filiation sur l’engagement parental. Elle permettrait au parent non biologique de disposer des mêmes droits et devoirs que le parent biologique. La présomption de paternité ne s’appliquant pas pour les couples homoparentaux, le second parent serait ainsi protégé dans ses droits et devoirs, même en cas de séparation avant ou après la naissance. Si cette DCAF s’applique aussi pour les couples de femmes lesbiennes, rien n’indique dans le rapport qu’elle ne puisse pas être utilisée par les couples d’hommes gays ayant recours à l’étranger à une GPA. Un enfant doit être protégé indistinctement, qu’il soit élevé par un couple hétérosexuel, par un couple d’hommes gays ou par un couple de femmes lesbiennes.

 Bien entendu le rapport présente d’autres propositions qui ne sont pas ici mentionnées.

En complément de la proposition de loi présentée par Bruno Le Roux, Marie-Anne Chapdelaine et Erwann Binet, l’ADFH enjoint le nouveau gouvernement et les parlementaires à faire courageusement face aux réalités sociales non prises en compte dans notre droit en s’emparant dès à présent des propositions du rapport Théry.  

Il conviendra d’observer avec vigilance le calendrier proposé par le nouveau gouvernement ou les parlementaires pour la mise en œuvre des propositions évoquées, en évitant l’enterrement de première classe que connurent les propositions du Rapport Colombani sur l’adoption, ou encore celles du statut du Tiers de Mme Nadine Morano.  Nul doute que le nouveau gouvernement resserré, s’autoproclamant courageux et efficace s’emparera sans crainte de ces sujets…