Le 8/10/2020

Mis en ligne le 7 octobre 2020, le projet de loi de financement de la sécurité sociale n°3397 pour 2021[i] allonge la durée du congé paternité, celui-ci passant ainsi de 11 jours consécutifs à 25 jours calendaires. En demeurent cependant exclues, sans aucune justification, certaines familles. Le gouvernement entend modifier l’article L. 1225-35 du code du travail comme suit :

« Après la naissance de l'enfant et dans un délai déterminé par décret, le père salarié ainsi que, le cas échéant, le conjoint ou concubin salarié de la mère ou la personne salariée liée à elle par un pacte civil de solidarité ou vivant maritalement avec elle bénéficient d'un congé de paternité et d'accueil de l'enfant de onze jours consécutifs ou de dix-huit jours consécutifs vingt‑cinq jours calendaires ou trente‑deux jours calendaires en cas de naissances multiples. »

 

  1. Cette rédaction maintient ainsi une discrimination à l’égard des enfants élevés par les couples d’hommes. En effet, la conjointe salariée de la mère peut bénéficier dudit congé là où le conjoint salarié du père en est exclu.

Dans les exemples de familles fondées par coparentalité (un couple d’hommes et un couple de femmes décident de fonder une famille), la conjointe de la mère, bénéficiaire du congé paternité, pourra être aux côtés de l’enfant à sa naissance là où le conjoint du père ne pourra pas profiter des mêmes dispositions.

L’égalité de situation impose que les conjoints des parents puissent prétendre au même congé.

 

  1. Concernant les enfants nés par GPA, rappelons que le projet de loi bioéthique a pour finalité, par son article 4 bis, d’imposer au second parent la voie adoptive pour être reconnu comme un parent au sens de la loi française, faisant fi des décisions du 18 décembre 2019 rendues par la Cour de Cassation qui avaient autorisé la reconnaissance directe des actes de naissance étrangers de ces enfants avec leurs deux parents[ii]. Ces familles ne bénéficieront que très aléatoirement des nouvelles dispositions relatives au congé paternité :
  • au sein d’un couple d’hommes, seul le père présumé biologique bénéficiera du congé ;
  • au sein d’un couple de femmes, aucune des deux mères ne bénéficiera d’un quelconque congé, ni congé maternité, ni congé paternité ;
  • au sein d’une famille avec une mère célibataire, cette dernière ne bénéficiera pas du moindre congé ;
  • au sein d’une famille avec parents de sexe opposé, seul le père présumé biologique bénéficiera du congé paternité.

Imposer l’adoption au second parent comme le propose le gouvernement, c’est l’insérer dans une démarche judiciaire qui s’écarte de la célérité et de l’effectivité pourtant imposées à la France en la matière par la Cour européenne des droits de l’homme[iii]. A ce titre, la proposition de loi portée par la députée Monique Limon visant à réformer l’adoption[iv] ne comporte aucun volet permettant de répondre favorablement aux impératifs précités de la CEDH.

 

 

En 2020, il est donc toujours possible d’accorder plus ou moins de protection à en enfant en fonction du genre de ses parents ou des modalités de sa naissance, en violation manifeste de la Convention internationale des droits de l’enfant de 1989[v] qui stipule notamment que « les Etats parties s'engagent à respecter les droits qui sont énoncés dans la présente Convention et à les garantir à tout enfant relevant de leur juridiction, sans distinction aucune, indépendamment de toute considération de race, de couleur, de sexe, de langue, de religion, d'opinion politique ou autre de l'enfant ou de ses parents ou représentants légaux ».

Cette situation ubuesque est le résultat d’un manque de courage politique dont les enfants sont les premières victimes. Nous appelons les parlementaires à amender ce texte afin que chaque enfant puisse bénéficier, à sa naissance, de la protection de ses parents, indistinctement du genre de ces derniers ou des modalités de leur naissance.

 

 

[i] http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3397_projet-loi#

[ii] https://www.courdecassation.fr/IMG/Communiqu%C3%A9%20GPA%2018.12.19.pdf

[iii] http://hudoc.echr.coe.int/fre?i=003-6380431-8364345

[iv] http://www.assemblee-nationale.fr/dyn/15/textes/l15b3161_proposition-loi#

[v] https://www.ohchr.org/fr/professionalinterest/pages/crc.aspx